La Grande Traversée 2

une aventure humaine et sportive au service de l'humanitaire

posté le 30-10-2008 à 22:28:04

Un enfant presque comme les autres

ENVOYE SPECIAL : un enfant presque comme les autres

par

Francis PERRIN

 


 
 
posté le 30-10-2008 à 22:18:42

"Soyez mon défenseur, soyez mon ami, et nous verrons jusqu’où j’irai."

 
 


 
 
posté le 30-10-2008 à 21:37:21

Aba, nouvelle thérapie miracle pour l'autisme ? par Claire Legros C’est une salle de classe presque ordinaire, avec des posters

Aba, nouvelle thérapie miracle pour l'autisme ?

par Claire Legros
 

C’est une salle de classe presque ordinaire, avec des posters aux murs, un ordinateur et des jeux sur les étagères. Les cheveux en bataille, Blaise, 5 ans et demi, termine la construction d’un parcours de billes avec l’aide de Danièle, son éducatrice. L’exercice ressemble à un jeu. Sauf qu’ici tout est pensé, planifié, codifié, afin d’inciter l’enfant à apprendre et à travailler. Pour jouer, Blaise doit demander les billes. Pas facile pour un petit garçon qui a du mal à parler et à regarder son interlocuteur. Ses yeux s’échappent, ses mains papillonnent. D’un geste doux, Danièle touche son menton pour le guider, et l’encourage : « Dis “bille”, Blaise. » L’enfant s’exécute, une fois, deux fois, dix fois… Les billes dégringolent à grand bruit dans le circuit. Ouf, à la fin de l’exercice, Blaise a droit à une récompense : un court extrait d’un dessin animé qu’il affectionne. Juste cinq petites minutes avant de repartir très vite vers une nouvelle activité.

À quelques pas de là, Victor, visage d’ange, mais regard fermé, fait face à Isabelle, son éducatrice, qui lui montre des images. L’enfant doit nommer les objets : « fourchette », « table »… Isabelle l’aide un peu, pas trop. À ­chaque bonne réponse, elle le félicite chaleureusement, comme s’il avait réussi un véritable exploit. « Formidable, Victor !… Bravo, c’est super ! » et lui accorde un petit morceau d’ananas séché. À la fin de l’exercice, lui aussi a droit à une récompense, quelques minutes de jeu avec un appareil à fabriquer des bulles de savon. ­Victor saute de joie et inonde la pièce de jolies sphères irisées.

Cette école pas comme les autres a ouvert en mars 2008 à l’initiative d’un groupe de parents réunis au sein de la Fondation Autisme. 11 éducateurs et deux psychologues y mettent en pratique auprès de dix enfants la méthode Aba (pour Applied Behavior Analysis, qui signifie « Analyse appliquée des comportements »). Une approche née dans les années 1960 aux États-Unis et toujours contro­versée chez nous. « On ne cherche pas à soigner l’enfant, mais à l’éduquer, à améliorer ses compétences sociales et sa faculté de communication », explique la directrice, Martine Ferguson, elle-même mère d’un enfant autiste de 9 ans. Après une première éva­luation, chaque élève bénéficie d’un programme personnalisé. À raison de huit heures par jour, il enchaîne les exercices pour apprendre ce que les autres enfants acquièrent naturellement.

En premier lieu, adopter un comportement adapté à la vie en société : regarder un interlocuteur, lui dire bonjour, associer un mot à un objet, mais aussi accepter la frustration, ne pas se faire mal, ni blesser autrui. Quand il répète les mots sans leur accorder de sens (on appelle cela une écholalie, phénomène très courant chez les autistes), Victor ne reçoit pas de morceau d’ananas, même s’il a réussi son activité. De même, quand Karim, 11 ans, bat des mains avant de répondre à la question posée, il n’a pas droit aux félicitations de Gaëlle, son éducatrice. « La méthode est fondée sur le renforcement positif, continue Martine Ferguson. Elle part du principe qu’un enfant récompensé lorsqu’il fait le bon geste aura tendance à le répéter. » La carotte, en quelque sorte, mais sans le bâton. Car l’approche Aba ne comporte pas de sanction. Au contraire.

Un cri, suivi de pleurs dans une salle de classe. Théo, en larmes, se tient la tête à deux mains. Thélor, 5 ans, vient de lui tirer violemment les cheveux et se balance maintenant d’un pied sur l’autre, prêt à recommencer. Aussitôt, deux éducatrices interviennent, l’une pour consoler Théo, l’autre pour se glisser entre les enfants et empêcher Thélor de réitérer son geste. Pas un mot de reproche, en revanche, à l’égard du petit fautif. « C’est difficile de ne pas réagir, mais cela ne servirait qu’à renforcer le comportement aberrant en attirant l’attention sur lui », explique Maud, la psychologue.

La jeune femme a choisi de se spécialiser en Aba après des études de psychologie. « J’apprécie de disposer d’outils concrets et objectifs pour évaluer les enfants, c’est une technique scientifique. » Maud a travaillé plusieurs années comme psychologue au domicile d’enfants avant de rejoindre la Fondation Autisme. « L’expérience est vraiment gratifiante, assure-t-elle. J’ai vu des enfants abandonner, en deux ans, les stéréotypies, ces actes répétitifs, qui sont le propre de l’autisme, et accéder au langage. En 2006, Claudia ne parlait pas, n’acceptait pas qu’on l’approche et piquait des colères terribles. Aujourd’hui, elle construit des phrases complexes et étend son vocabulaire tous les jours. » Après les vacances de la Toussaint, la petite fille doit d’ailleurs intégrer une école primaire classique, à raison d’une journée par semaine.

Aba, nouvelle thérapie miracle ? « Surtout pas, tempère Martine Ferguson. Elle permet à des enfants de s’épanouir, mais ce n’est pas une méthode clés en main. » D’ailleurs, sur les dix élèves de l’école, neuf ont progressé, mais un petit garçon va plus mal qu’à son arrivée. Ce matin, il a jeté une caisse de jouets par terre et refusé de terminer une activité. Il ne supporte pas les cris des autres enfants, plaque les mains contre ses oreilles et multiplie les actes de violence contre lui-même. Déstabilisée, l’équipe a fait appel aux conseils d’un psychologue américain, spécialiste de la méthode. « Peut-être doit-on revoir le programme ? », s’interroge la directrice, qui refuse de renoncer.
La plupart des parents qui se tournent vers Aba ont derrière eux le même parcours : des échecs répétés dans des structures de soins classiques, et un immense sentiment d’abandon de la part des médecins et des pouvoirs publics. « À l’hôpital de jour, Barouk ne faisait aucun progrès et on ne nous disait rien, on n’avait pas le droit d’entrer, se souvient Rachel, mère d’un enfant autiste de 12 ans. La seule chose qui les intéressait, c’était si moi-même j’avais rencontré des problèmes avec mes parents pendant l’enfance. Avec Aba, je ne peux pas dire que les progrès soient fulgurants pour Barouk, mais au moins on est dans le concret. Pour apprendre à un enfant à travailler, il faut déjà lui enseigner à s’asseoir. »

Combien sont-ils à financer, souvent sans aide, une prise en charge Aba pour leur enfant ? Difficile de l’évaluer. Mais, en quelques années, la demande a explosé. À Paris, la liste d’attente de l’école de la Fondation Autisme ne cesse de s’allonger, avec près de 2 000 demandes pour… dix places. Même écho au centre des ­Petites Victoires, à Paris, qui applique la méthode à de jeunes adultes, et à Lille, Montpellier ou Strasbourg. Les familles sont prêtes à tous les sacri­fices. Comme Ana et Boris, qui ont déménagé deux fois afin que leur fils, Victor, 4 ans, bénéficie de la méthode. « C’est le système D, témoigne une maman. Il faut être vigilant, car le titre n’est pas reconnu en France et donc non protégé. » En 2004, la première formation universitaire s’est ouverte à Lille. Mais il n’existe encore aucune évaluation de la méthode dans les rares structures françaises.

Le phénomène se développe dans un climat très tendu. Aba reste décriée par la grande majorité des professionnels français qui dénoncent un « dressage digne d’animaux de cirque » et un « conditionnement à la Pavlov ». Éducation contre thérapie, handicap contre maladie, méthodes comportementalistes américaines contre approche psychanalytique française : le débat déchaîne les passions. « L’Aba est une méthode violente, non pas physiquement, mais du fait qu’elle exerce une pression sur l’enfant », estime le psychiatre et psychanalyste Denys Ribas, directeur d’un hôpital de jour à Paris. « Nous pensons qu’il faut soigner les enfants autistes et non limiter les conséquences de leurs troubles. Ainsi, nous voulons leur faire découvrir qu’ils peuvent dire non, pas les dresser à dire non. Nous travaillons à compren­dre comment les enfants sont construits plutôt que de nous arrêter à leurs symptômes. »

De son côté, M’hammed Sadjihi, président de Léa pour Samy, une association qui milite pour le développement de l’Aba en France, juge la psychanalyse « maltraitante pour les enfants autistes ». L’association a d’ailleurs porté plainte pour « délaissement et mise en danger » des enfants autistes. Elle dénonce un « système français verrouillé, au sein duquel la très grande majorité des psychiatres ont été formés à la psychanalyse. Comment voulez-vous qu’ils se remettent en cause ? » Au-delà du débat théorique, des budgets colossaux sont en jeu, même s’ils restent insuffisants. La quasi-totalité des sommes allouées aujourd’hui à l’autisme finance la prise en charge médicale. Après un avis très critique du Comité d’éthique en 2007 (voir encadré), le plan Autisme présenté au printemps 2008 par le gouvernement a entrouvert une porte. Il prévoit l’« expérimentation » des méthodes éducatives, notamment de l’Aba. Un tout petit pas pour les familles qui estiment que « ces méthodes ont largement fait leurs preuves ailleurs qu’en France ». Et une étape peut-être nécessaire vers la reconnaissance. Signe de ce chan­gement : c’est dans l’un des rares centres qui pratiquent l’Aba en France que Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot ont dévoilé leur plan.

 


 
 
 

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